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Palette végétale urbaine Les critères de choix de la palette végétale de demain ne seront pas tous ceux d’hier !

Le saule d'Egypte produit du pollen très tôt et peut alimenter des insectes sortant de plus en plus précocement de leur dormance hivernale. Peu esthétique, il est malheureusement trop peu planté.

Les conséquences du changement climatique sont tellement visibles aujourd’hui qu’il faut accélérer l’adaptation de la palette végétale et des pratiques de gestion. Tels sont une partie des constats établis le 4 février dernier lors de la journée Verdir.

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Les rencontres « Palette végétale urbaine » organisées par Verdir se sont déroulées le 4 février dernier à Paris (voir Le Lien horticole n° 1143, page 15). La matinée a plutôt été consacrée aux constats quant à la situation actuelle. Toutefois deux interventions sont à retenir concernant les phénomènes risquant de se produire à plus ou moins long terme…

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Thierry Heulin, directeur de recherche émérite au CNRS, a insisté sur le risque de désertification qui menace la France. Faisant partie du CSFD (Comité scientifique français de la désertification), il sait de quoi il parle. Les viticulteurs de la région de Perpignan (66), pour ne citer qu’eux, n’auraient pas été surpris par les cartes qu’il a présentées, montrant comment cette zone était aujourd’hui l’emblème hexagonal d’un déficit hydrique majeur et durable. Même les vignes ne tiennent plus tant elles ont soif ! 

Le chercheur – qui s’occupe du phénomène de désertification en Afrique mais pas uniquement – prévient que « le problème va concerner la France ». Il a expliqué que la végétalisation des villes est au cœur des politiques d’adaptation. « Si on ne fait rien, on sera à + 3 °C, si on va vers un scénario “Trump’’, qui prône le développement à tout-va des énergies carbonées, ce sera pire. C’est important d’avoir cela en tête ! »

Ce que l’on fait à l’heure actuelle influera sur ce qui se passera dans vingt ans, mais la désertification « amène la pauvreté et les migrations », insiste-t-il. La hausse du taux de CO2 entraîne une élévation des températures et la récurrence plus forte des phénomènes extrêmes. La biodiversité, végétale et animale, en subit les con­séquences… L’Espagne, la Sicile, certaines parties de la Roumaine et de la Bulgarie sont concernées dès à présent. Demain, ce sera au tour de la France, de l’Italie, entre autres…

Il faut également prendre en compte le facteur économique afférent : la baisse de la productivité des sols, due au manque d’eau et à la chaleur. En l’occurrence, ce sont des régions comme les Pays de la Loire ou le Nord-Est qui seront les plus affectées, selon les projections. C’est en effet peut-être là, dans des paysages qui ne seront pas des déserts mais qui souffriront de la sécheresse que les pertes de récolte agricoles pourraient être le plus massives. « Les conséquences ne seront pas que dans le Sud ! » Deux millions d’hectares de terres seraient dégradés dans l’Hexagone, soit 3 % des surfaces. A priori cela ne semble pas énorme, mais ce n’est qu’un début !

Face à cet état des lieux, un impératif : opter pour des espèces adaptées, accompagner la migration des végétaux et préserver les forêts ou le patrimoine arboré anciens. Il faut valoriser les solutions fondées sur la nature, la faire revenir en ville, renaturer les cours d’eau, restaurer les zones humides, insiste le chercheur. Et planter dans des sols suffisamment profonds pour permettre un bon ancrage des arbres. Planter beaucoup, oui, mais dans de bonnes conditions !

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Changer certains critères

Yves Darricau a, pour sa part, insisté sur le problème lié aujourd’hui à la baisse du pollen et du nectar en raison de l’évolution du climat. Auteur de livres sur les arbres* – il faut selon lui en planter davantage et choisir des essences qui produisent beaucoup de pollen surtout aux périodes où il en manque – et apiculteur, il a proposé une approche du problème avec des yeux d’abeille.

Trois espèces qui mériteraient d'être plus plantées pour leur intérêt vis-à-vis des insectes. (© Yves Darricau)

Son constat est sans appel : il s’agit de l’une des bases de la chaîne alimentaire. Moins de pollen, c’est moins de nourriture pour les insectes, donc moins d’oiseaux qui s’en repaissent puis moins d’animaux carnivores qui consomment ces oiseaux, etc. « Il y a dans le milieu un équilibre entre le climat, le sol et les végétaux. Quand tout est en adéquation, on a la biodiversité la plus riche pour le milieu donné. Lorsqu’un déséquilibre survient, c’est elle qui trinque », explicite le chercheur.

En France, à l’heure actuelle, les vendanges ont lieu en moyenne un mois plus tôt qu’au siècle dernier. Les autres floraisons ont également avancé. Cela signifie qu’à l’automne, par exemple, il reste peu de pollen pour nourrir les insectes… Et ceux qui ne se sont pas alimentés à l’automne enregistrent davantage de surmortalité en hiver. Aucun de ces pollens n’étant idéal, il faut par con­séquent les varier. D’où l’intérêt de tenir compte, au moment de composer sa palette végétale, de cet aspect lié à la disponibilité des fleurs pour les insectes.

Sélectionner de beaux arbres, adaptés à un site, c’est bien, choisir une palette capable de proposer des floraisons étalées, c’est mieux ! Chez les châtaigniers, par exemple, ravagés ces dernières années en particulier par la maladie de l’encre, les hybrides se sont imposés. Une espèce a été ignorée car elle ne produisait que de petits fruits, inintéressants du point de vue humain. Mais elle fabrique du pollen en continu au cours de la saison, elle est donc très attractive pour l’entomofaune…

Autre exemple, le saule d’Égypte. Il commence à fleurir très tôt, mais ses chatons ne sont pas très esthétiques. En conséquence, il est peu planté. Dommage, car sa précocité serait utile pour les insectes qui sortent toujours plus tôt de la dormance hivernale. Ce sont deux exemples d’arbres dont il serait intéressant de renforcer la présence dans les plantations, et tant pis pour les canons décoratifs.

Edgeworthia, arbrisseau rare, fleurit très tôt et est apprécié des insectes mellifères. (© Yves Darricau)

Pourquoi limiter ce raisonnement aux ligneux ? se sont interrogés plusieurs participants à la journée. On pourrait avantageusement l’appliquer a minima aux arbustes, voire à toute la palette végétale. Yves Darricau étant spécialiste de l’ arbre, son choix d’angle était naturel. L’avantage d’une journée de réflexion sur la palette végétale, c’est que, par la suite, chacun peut adapter les interventions selon ses propres besoins !

*Planter pour les abeilles - L’api-foresterie adaptée aux espaces et aux enjeux d’aujourd’hui. Éditions Terran. Voir aussi Le Lien horticole n° 1116 de juin 2022 et n° 1118 de septembre 2022 pages 44 et 45.

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